Philidor franc-maçon, Philidor la rue
Petit choc hier : pendant que mes pattes velues tentaient d’attraper une information faiblarde sur la Toile, je vois un moucheron caché dans un coin. Et je tombe sur une pépite : le grand joueur d’échecs François-André Danican Philidor et fondateur de l’Opéra-Comique était franc-maçon. Diable, euh pardon, c’est un mot presque tabou dans cette confrérie. Qui le dit ? Un texte datant de 2002, sur le site du Grand Orient de France lui-même: tapez CTRL F puis ‘philidor’ pour aller directement au passage incriminé. Cette information est toutefois à vérifier auprès des spécialistes et défenseurs de la mémoire de Philidor, la Société d’études philidoriennes dont j’ignore si elle poursuit ses activités. Une interview passionnante d’un descendant de Philidor ne mentionnait pas ce qu’affirme le GOdF.
En fouinant encore plus, autre pépite, également à retardement : la Bibliothèque nationale de France met à disposition des internautes 45 livrets du copiste Philidor. Je cite le site : « Philidor souhaita transmettre à la postérité dans les années 1690 les musiques jouées à la cour de Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, essentiellement des musiques de ballets et de divertissements. Ces grandes partitions aux armes royales contiennent ainsi, souvent comme source unique, un corpus de musique instrumentale qui va des premières pièces connues de violons du roi aux grands ballets et comédies-ballets de Lully. » Philidor ? Mais lequel ? Résumons. Philidor est en fait le nom adopté par une famille de musiciens, les Danican. Maintenant, jouons au jeu des 7 familles : dans la famille Philidor, je demande… le grand-père Jean Danican. Bonne pioche ! Il a eu trois fils, André Danican Philidor (dit ‘l’aîné’), Jacques Danican Philidor (dit ‘le cadet’) et Alexandre Danican Philidor dit rien du tout. Dans la famille Philidoreuuuu, je demande… les quatre fils d’André et les quatre fils de Jacques. Bonne pioche ! Parmi les fils d’André, je demande… François-André… le joueur d’échecs (Dreux, 07.09.1726-Londres, 31.08.1795). Super bonne pioche.
Bon arrêtons le suspense, le fonds de la BnF concerne André, le père du joueur d’échecs, décédé, si j’en crois le Dictionnaire encyclopédique de la musique (Bouquins) quand ‘notre’ Philidor’ avait quatre ans. Les partitions sont à voir, et la conservation de ce fonds est fabuleuse. Travail impressionnant que j’attribuerais dans un moment d’euphorie au « génie français ».
Bon, s’il y a un musicien courageux parmi vous qui peut nous transcrire un peu de cette zique au format numérique, je promets de la mettre en ligne. Et de m’acheter un baladeur. Voire un i-pod dans un moment d’absence. Car la musique de François-André Danican Philidor, le joueur, n’est guère plus… jouée. Il est même difficile de trouver des CD en vente. Prenez quand même UNE MINUTE pour écouter un morceau de Carmen Saeculare sur le site de ChessBase. Pour faire remonter vos souvenirs d’allemand en deuxième langue, le livre de Susanna Poldauf est aussi un excellent exercice. Dans le domaine de la musique, le nom de Philidor reste une telle référence que le Centre de musique baroque de Versailles a inauguré en 1990 une immense base de données à son nom. Au nom du père, bien sûr et pas du fils, le joueur d’échecs. Et pour ceux qui veulent voir le buste du joueur, il suffit d’aller à l’Opéra Garnier à Paris. Placez-vous rue Scribe, levez délicatement la tête, son nom est indiqué et il est parfaitement visible au milieu d’illustres compositeurs. Et ça donne ça, mais de face :
Son bouquin d’échecs a pris un coup de vieux aussi, mais à y regarder de plus près, pas autant que l’on pourrait l’imaginer quand on a le courage de dépasser l’effroyable notation descriptive (1.P4R P4R 2.C3FR C3FD au lieu de la notation algébrique qui veut dire la même chose : 1.e4 e5 2.Cf3 Cc6), de s’intéresser à la défense qui porte son nom, à la finale qui porte son nom (finale sans pions <tour + fou contre tour>) et aux fameux ‘renvois’ pour expliquer une partie: les imprimeurs ne s’arrachaient plus les cheveux, les ‘commençans’ y comprenaient quelque chose. J’ai mis un certain temps à retrouver dans ma bibliothèque l’édition de 1803 en couleur de L’Analyse du jeu des échecs – la version republiée par Jean-Jacques Pauvert/Neumann & Compagnie, en 1988. Encore plus pour trouver le dictionnaire de la musique précité.
Alors que je fouinais, le téléphone sonne. Il est tard. Ça ne peut être qu’un joueur d’échecs. Bingo ! C’est Jacques Baudrier, mon pote avec lequel j’ai commis en 1988 un bouquin pour débutants qui continue de bien marcher (L’ABC des échecs). On se voit une fois par an et il me torche en 2-2 avec zéro pratique dans l’année… Arghh. Le secret de notre bouquin? Nos sessions de travail étaient interrompues par des séances dans un boui-boui surnommé ‘mère-grand’ et des parties de backgammon dont certaines dans le cimetière du Père-Lachaise, près du funérarium. Bon, on s’en fout complètement. Jacques a été champion de France dans les catégories jeunes. Il a mal tourné: il a arrêté de jouer vers 1989, mis son talent échiquéen dans la poche, et tous les autres au service du peuple. Il est maintenant élu dans le XXe arrondissement de Paris et bosse au Conseil général d’Île-de-France. Et devinez quoi: il me propose tout de go d’organiser un truc « délirant si l’on veut » rue Philidor, dans le XXe arrondissement de Paris. Ben oui, elle existe. Pas grande, mais elle existe. Bonne idée, transmise à la ligue, la fédé, le maire de Paris et à tous les organisateurs de festival de musique baroque. On pourrait même y jouer du Philidor le jour de la fête de la musique. Super idée pour d’jack (l’autre, le vrai), non? Du calme. Je vais me repasser la minute du Carmen Saeculare en boucle. En attendant de l’entendre en live dans le XXe arrondissement.
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