L’interview (presque) imaginaire de Kirsan. Un sacré K!
Le Kalmouk Kirsan Ilioumjinov a été réélu le 2 juin 2006 à la présidence de la Fédération internationale des échecs. À peine le résultat connu, il a accordé un entretien blitz à Echecs64 dans sa Rolls roulant à faible allure dans Turin, tout en faisant des hourrahs de sa main droite à travers la vitre à moitié ouverte.
Q. : Bravo président ! J’en reviens pas que vous ayez fait aussi peu de voix. Franchement, y’zon fait fort les août-sidères.
Kirsan Ilioumjinov : Vous voulez que je vous dise la vérité ‘boutonne’ (elle me fera toujours rire celle-là) ?
Q : Non, président…
K.I. : Eh bien c’est d’la boucherie. 96 votes à 54, bon, c’est pas un référendum comme chez moi en Kalmoukie, mais c’était trop facile. Par exemple, j’ai demandé à Vladimir (Poutine) que toutes les ambassades de Russie dans le monde téléphonent aux présidents de fédération clairement contre moi. Cela s’appelait l’opération « secret défonce ». Malheureusement, certains ambassadeurs se sont emmêlés les crayons avec les numéros 118 tout ça et des président(e)s scélérats comme la France et la Lettonie ont cafté cet appel. Je suis en rage et j’ai chargé la doublure de Gary Oldman, le méchant qui joue dans Léon, de jouer au « nettoyeur » sous peu. Vous prenez quelque chose ?
Q : Ben…
K.I. Florencio, tu peux amener une petite mallette de billets pour boutonne ? Non, pas ceux-là, les vrais, en vert (Florencio Campomanès qui a fugué du musée Grévin spécialement pour le congrès FIDE, s’exécute. Calé à l’avant, l’a pas changé depuis vingt ans s’ui-là. Il amène un matelas de $$. Finalement, j’opte sobrement pour un Valporicella 2003). Figurez-vous qu’on a eu des problèmes à la frontière en arrivant. Si, si. Ce crétin de Makropoulos n’avait pas acheté la bonne taille pour les valises de billets. Il n’est pas du niveau, il a toujours été cheap avec ses arnaques. On a donc acheté tous les jeux de Monopoly dans les magasins alentours. Comme ça, on a pu s’acheter quelques voix avec de faux billets. Ah, ah, j’en ris encore ! Florencio, tu te souviens de ce délégué reparti avec un beau paquet ? Tout content de m’avoir serré la main, d’avoir eu sa dédicace. La porte une fois fermée, on en pouvait plus. Campomanès a tellement ri qu’il a failli avoir une hernie discale. Lui, en treize ans de règne, il ne l’avait jamais faite celle-là. Ah les truffes !
Q. : Mais vous rendez-vous compte, c’est horrible ! Et les échecs là-dedans ?
K.I. Je ne comprends pas la question. De quoi me parlez-vous ? Moi, je ne veux pas le bien des échecs ni le meilleur système pour désigner le joueur d’échecs le plus dingue de la planète. Je veux res-ter. Rester et dépenser. Claquer ma thune en les faisant danser si vous préférez. L’Inde et la Chine font deux voix. La Palestine et les Iles Vierges aussi. Faut savoir compter et aller à la pêche, mon vieux. Vous êtes journaliste ou quoi ? Chacun son boulot. Moi, je promets, je gagne, je mets un ou deux guignols de l’autre bord avec nous – ils ont quand même fait 54 voix – et j’enfume pendant quatre ans dans la plus totale anarchie. ‘I vsio’ [et c’est tout] comme on dit en russe.
Q. : Et les petits pays qui ont voté pour vous ?
K.I. : Eh bien, ils n’auront rien. Leurs délégués, par contre, seront invités et choyés. D’abord au défilé du 1er mai prochain à Moscou. Ensuite à Disneyland Paris en hiver, c’est un super promène-couillon et la meilleure saison. Et enfin, plus sérieusement, dans un marathon à cloche-pied Elista-steppe-Elista avec des chameaux comme commissaires de course. J’ai déjà lancé les invitations et tenez-vous bien : quelques membres de l’équipe de Bessel ont déjà accepté. Cela sera sûrement l’animation principale lors du jour de repos de la prochaine olympiade.
Q. : Mais ce n’est pas possible, où est la démocratie dans tout ça ?
K.I. Moi c’est simple, tout le monde connaît l’adresse de ma banque… c’est avenue…. Oh et puis taisez-vous, ne dites pas de gros mots ! (il prend soudain son téléphone rouge et appelle sur sa ligne directe Berik, son petit Beria). C’est un mot inconnu dans la plupart des pays qui ont voté pour moi. Un concept. Un joujou. Un truc. Regardez le résultat, moi je leur ai causé à toutes ces fédérations. Je ne leur ai pas parlé des problèmes des GMI qui chouinent ni des teuf super que j’allais organiser ni des joints et des conjoints. D’ailleurs souvent, les délégués m’ont avoué : « Kirsan, on n’a ni GMI ni MI et même parfois pas d’échiquier mais chuuut. » Excusez, celle-là, c’était pour voir si Florencio s’était assoupi. Ça va papy ? Je suis un peu dur, mais il a bossé l’vieux. Il connaît tout le monde. Quand il se promenait dans les allées, j’avais l’impression de revoir Le Parrain avec toutes ces mains qui venaient à lui. Mais Berik a eu une idée géniale : il lui a mis du Viagra dans ses antipasti et Papy a disparu pendant deux jours. Ouf ! J’ai pu engranger les voix pour moi pendant ce temps-là, ’sont tellement graves qu’ils auraient pu voter pour Florencio par inadvertance et ça aurait fait des votes nuls ! L’air de rien, il me fait danser, papy. Eh oui ! Il a les bijoux de famille avec le classement Elo via son Salieri de Casto Abundo. Comme il me dit toujours, « avec Casto, j’ai tout s’kil faut ». J’ai retenu cette leçon et depuis, vous savez quoi ? Je fais de l’inflation exprès sur les z’Elo : j’affaiblis les forts qui râlent et je fais gonfler les faibles. Casto appelle ça « le gonflage de patates », ça l’amuse beaucoup cette expression. Ah, ces deux-là, si on ne les avait pas eus, George Lucas aurait dû les inventer !
Q. : Et la France dans tout ça ?
K.I. : Bravo les gars! Vu que la Russie a perdu contre votre équipe, Vladimir a déjà pris des mesures avec Berik. On a 6 joueurs, donc 6 punitions. Cela va d’une condamnation à 72h de blitz ferme à un voyage forcé de cinq jours en été au milieu des moustiques à l’île de Sakhaline en passant par un régime d’une semaine à ne manger que des cuisses de grenouille. L’intendant du Kremlin qui est aussi le juge d’application des peines échiquéennes, est devenu fou, paraît-il, en voyant la diversité et la sévérité des oukases. Le plus dur, c’est pour Roublevsky. Il doit perdre 30kg en 15 jours en répétant “Fressi-net, Fressi-net”. Paraît que Bareïev l’aide beaucoup : il le précède avec une bicyclette et des pelmenis accrochés au garde-boue. Ils font le tour du Kremlin en direct sur ORT, notre première chaîne. Et Serguei court, court. Ça fait marrer les touristes. Sinon, ben vos gars, je peux le dire maintenant. Notre entraîneur avait repéré les heures de réveil de chaque Français. Il a passé l’info à l’entraîneur bulgare qui a demandé à ses gars de jouer un début long, agressif ou compliqué selon chacun de vos joueurs. Un vrai menu « à la carte ». Exactement comme quand les Russes avaient vainement aidé le Bulgare dans sa partie ajournée du championnat du monde junior d’Adélaïde 1988 où Joël Lautier avait besoin du gain pour devenir champion. Bon, mais il parait qu’en France quand on dit « on fera mieux la prochaine fois » tout le monde il est content. Je n’peux pas dire ça pour Kok. Ah, ah 
;! Allez, j’vous laisse, Berik m’appelle, Roublevsky est sur le point de rattraper Bareïev et Vladimir est furax, la punition n’est pas assez sévère et de plus, le Kremlin est en rupture de pelmenis!
Juste!
J’y étais, en Kalmoukie…
Je reste encore censuré en Europe, malgré un joli article rédigé à l’occasion…
Comme si par ici on ne voulait pas savoir.