Qui sont les Russes ?
Un débat-rencontre s’est déroulé le 23 mai 2006 dans la librairie Itinéraires, en plein centre de Paris. Alla Sergueeva, docteur en linguistique, répondait aux questions comme on joue en simultanée à la suite de la publication de son bouquin passionnant : Les Russes. Déjà publié à Moscou, ce livre s’est arraché, et aidera aussi les joueurs d’échecs à comprendre la mentalité russe il me semble. Bon, j’y suis allé.
La librairie est très chouette, n’a pas l’air très grande, mais comportait trois niveaux, style cave voûtée parisienne. Au détour de l’escalier en pierre exigu, il y avait un puits. Magique ! En prime, une exposition fabuleuse de photos : « Les Russes ». Décidément, j’y étais. Faisait chaud. Y causaient en bas. Remontée soft dans la cour intérieure pour prendre un bol d’air. Un beau gosse y fume une cigarette. J’lai déjà vu… s’lui là. On se dévisage. Tiens, il est Russe. Finalement, bingo ! C’était il y a environ dix ans, le gars est un habitué du Jardin du Luxembourg, lieu de rendez-vous des joueurs comme des kibbitz. Regard vif, presque arsouille, c’est un fils de la démerde. Il a une culture du jeu, des parties, des tournois du passé impressionnante pour un « simple amateur ». Alekhine, Capablanca, Morphy, on se refait quelques tournois. Mais qui est cet inconnu ? Ah ouais, t’as blitzé des heures avec Renet ? Et tu donnes un coup de main à Murey quand il est dans la mouise ? Solidarité russe oblige. Entre autres anecdotes, celle-ci est « typique Murey » : devant se déplacer dans la région de Voronej, ce jeune Russe en parle à Murey. Et le GMI, a tempo, lui donne DE MÉMOIRE le numéro de téléphone d’un ami qu’il n’a pas vu depuis 1970 et qui « doit toujours vivre dans la région » ! Pour finir, ce néo-pote lâche : « Comme écœuré, j’y suis allé, mais j’ai pas appelé. »
Le plus incroyable dans cette rencontre improbable, c’est tous les talents que ce Russe parisien a fréquentés à l’École des pionniers : Salov, Yermolinsky, Irina Levitina – déjà accro de bridge et devenue joueuse pro depuis. Et de raconter, les yeux encore pétillants, la fête incroyable quand Salov est revenu avec son titre de champion du monde chez les jeunes, la joie de vivre de Levitina, Yermolinsky qui jouait à tout et parlait des nuits entières etc. Alors, z’étaient tous si sérieux dans cette soi-disant « École soviétique » ? Ben non. Pas si sérieux, mais différents. Différents, mais unis par une même passion. Passionnés mais poussés vers un autre destin : tous ont quitté la mère Patrie. Et la boîte à souvenirs reste béante.
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