Décès de Julien Guisle à 99 ans

Le célèbre libraire Julien Guisle est décédé mercredi 9 juin 2010 à Paris. Il aurait eu 100 ans le 2 novembre 2010. Il a été  inhumé jeudi 17 juin à 14 h 30 au cimetière parisien de Bagneux.

Pendant des années, M. Guisle fut l’unique libraire d’après-guerre spécialisé dans les échecs. Le 13 de la rue Saint Jacques fut le passage obligé des amateurs de problème: Sénéca, Halberstadt et tant dautres. Quand les petits ou grands maîtres français, étrangers… ou soviétiques étaient de passage à Paris, la libraire Guisle était systématiquement visitée. Petite, toute en longueur, on pouvait y acheter de vieilles revues françaises et les derniers livres ou revues soviétiques. Dans tous les vieux numéros d’Europe Echecs ou de Mat (la revue éphémère à destination des jeunes) on trouve un encart de publicité pour cette librairie.

Je n’ai jamais vu monsieur Guisle assis. Seulement au restaurant. Il était toujours en action dans ses livres ou ses reliures. Il était intarissable sur les maîtres du passé. Un casse-tête l’avait occupé des mois entiers: trouver un mat où le roi noir est seul face à toutes les pièces blanches: le Rex Solus.

quike.JPG

Les blancs jouent et font mat en 4 coups. Ce problème fut présenté sous le pseudonyme de Julian Quike lancé à l’occasion dun concours dans la rubrique de Camil Sénéca dans Le Figaro, en 1956. En fait, Julien Guisle, modeste comme toujours, se cachait derrière ce pseudonyme. A l’époque, la résolution de ce Rex Solus fit un grand couac parmi les spécialistes de la composition. Merci, et au revoir Quike!

Voir la solution avec les commentaires de Camil Seneca, l’apport de Roland Lecomte et de Guy Sobrecases: Cliquer ligne suivante.

 

quike.JPG

1.Th7! Re1 2.Fa8! Roi ad libitum 3.Db7 4.Dh1 mat
1.Th7! Rc1
2.Fh8! Rb1 3. Dg7 Roi ad libitum 4.Da1 mat

Et maintenant, voyons ce qu’en dit, après avoir donné la solution, Camil Sénéca dans sa chronique d’échecs du Figaro du 18 décembre 1956 (chronique que nous a aimablement photocopié le journaliste et problémiste Roland Lecomte): « L’auteur n’a pas seulement corrigé le problème de Ernst, il l’a singulièrement enrichi et d’une façon magistrale. En accordant au roi noir deux cases de fuite, il a réussi à créer deux variantes caméléon – écho de dégagement Loyd diagonal – en les précédant, par surcroît, d’un dégagement Bristol en leur ajoutant, à titre auxiliaire, deux doublements Turton (dont l’un comporte un petit dual terminal sans gravité en l’occurrence). Une œuvre de classe. »

Ce texte est repris (en partie) dans le livre inoubliable et formateur du même Camil Seneca, 200 problèmes d’échecs (Press Pocket, 1975). A noter que six autres candidats obtinrent une ‘mention d’honneur’ dans ce concours. Cinq d’entre eux travaillèrent peu ou prou autour de l’idée du problème de Ernst (l’idée de Ernst était d’encager la tour blanche h1 avec les 2C en g1 et g3 et un pion en h2, le reste des troupes se situant au-delà de la 5e rangée avec un mur de pions). Roland Lecomte, également mention dhonneur, présenta une idée originale.

De son côté, lex-joueur et aujourd’hui problémiste Guy Sobrecases nous signale « qu’il s’agit d’un ‘BRISTOL’, plus précisément d’un ‘pur Bristol’ (Th7 puis Dg7) auquel s’ajoute le thème ‘TURTON’ (Une pièce A joue sur une ligne au-delà d’une case (case critique) permettant à une autre pièce B de même couleur de jouer sur la case critique. Puis B joue sur la ligne en sens inverse, en étant soutenue par A.) ici doublé (Fh8/Dg7/Da1 et Fa8/Db7/Dh1) ».

Z’avez compris? Non? Eh bien dégustez les solutions, elle sont magnifiques tout de même!