Les héros de papier des années 1970
C’est un week-end de double ronde de Nationale II, groupe Est. Sept hommes une femme dans chaque équipe ont rejoint Mulhouse le 17 et 18 novembre. Deux équipes sont venues déplumées à six et sept joueurs. La routine. Mulhouse a logé une partie des équipes dans l’hôtel Mercure qui prête un salon où l’on guerroie sur huit échiquiers. Les joueurs – une centaine – sont des habitués de la compétition. Depuis des années. Voilà des licenciés A, des vrais, des tatoués à la compét, la plupart fidèles à leur région.
C’est bientôt Noël et la mairie (de mécréants ?) a décidé d’installer une roue face à l’église. En légende de la photo officielle prise en 2011, elle nous assure que « la grande roue permettait aux visiteurs de prendre de la hauteur pour voir les lumières de Noël ». Ah bon.
Tous identifiables
Dans le salon du Mercure ce dimanche matin, on phosphore déjà. D’un coup, à voir beaucoup de très jeunes poussés par des clubs dynamiques, ces rencontres sur deux jours me renvoient aux âges de ces jeunes pousses, aux années 1970. Certains héros de papier que je suivais dans Europe Échecs, celui de Monsieur Bertolo, ou dans Le Figaro pendant les championnats de France en août, sont là en chair et en os ! Hormis Louis Roos, (Strasbourg, champion de France 1977) méconnaissable car sans barbe, tous sont identifiables. Ils aiment toujours autant le jeu. Daniel Roos ressemble plus que jamais à son père Michel (1932-2002), champion de France 1964, un grand monsieur avec sa femme Jacqueline, GMI féminin par correspondance.
Richard Goldenberg (Colmar, champion de France vétérans, régulier des championnats de France) a toujours cet amour des échecs, de la langue française avec sa diction précise et sa voix rauque marquée par la nicotine.
Le contingent strasbourgeois est venu, comme souvent, en famille : Louis Roos (champion de France 1977), médecin comme son père arrive le second jour. Daniel Roos, le capitaine de Strasbourg, se souvient de tel championnat du monde Cadets à Creil en… 1975. Oui il a encore quelque part les bulletins de ces tournois qui ont produit tant de champions. Jean-Luc Roos a toujours sa queue de cheval et son zeitnot à maudir.
Le Strasbourgeois Jean-Claude Letzelter se tient toujours aussi droit à la table. Scoop à retardement : son ex-collègue de travail avait le privilège de l’âge et se prenait toujours comme vacances juillet et août pour solder les heures supplémentaires. C’est ainsi que Letzelter ne pouvait jouer que tous les trois ans dans ces années-là « sans que ses adversaires ne le sachent » raconte dans un sourire Daniel Roos. Ah au fait, M. Letzelter remporta le titre à chaque fois (1968, 1971, 1974) sans compter le titre de champion de France vétérans plus récemment.
Emmanuel Preissmann (Oyonnax) joue toujours actif, les mains sous la table. Il a les cheveux aussi longs qu’avant, mais en blanc tandis que Michel Benoit (Chelles, champion de France 1973) est toujours preneur d’un bon mot ou d’une anecdote. Il ne s’en laisse pas conter contre les maîtres.
En sortant de cette compét’, j’ai pris un coup de jeune. Pourtant, dans le TGV du retour, en attente de rentrer dans les blitz tournants en 3-3 avec mes camarades, une question s’est posée : que sera la Nationale II dans une trentaine d’années ? Que seront devenus nos jeunes maîtres internationaux actuels dont la plupart vivotent avec un salaire minimum ?
La liste des champions de France sur le site ‘Héritage des Echecs français’
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Une photo de Jean-Claude Letzelter qu’il n’a jamais vu prise dans le café des blitzeurs de Strasbourg.
http://www.jmrw.com/Chess/Joueurs_Peres/images/Jean-Claude_Letzelter.jpg
Jean-Claude a bien voulu que je mette ses photos du fabuleux tournoi de Monaco 1968 sur mon site.
http://www.jmrw.com/Chess/Tournois/Monaco68/Monaco_1968.html