Mémorial Alekhine : Adams le pion à tous

L’air pollué de Paris a-t-il donné des ailes aux joueurs? Cette deuxième ronde a été aussi palpitante que la première. Des parties spectaculaires ont effacé la nulle respectueuse des chemins sinueux de la Grünfeld Fressinet-Guelfand.
Anand a souffert pour tirer sa nulle contre Vitiougov dans une finale de tours. Le Russe n’aurait pas dû échanger les dames selon Sosonko.

Ding_504s_R2.JPGConcentration à 600 secondes
Le premier à se présenter sur la scène est le Chinois Ding Liren. A 21 ans, c’est le plus jeune de la troupe. Plus de 600 secondes avant le lancement de la ronde, il arrive et se prend la tête dans les mains. Le compteur est lancé sur l’écran et égrène à rebours les secondes. Puis chacun prend sa place. Svidler devise avec l’arbitre principal, Boris Pastovsky.

Les trois autres parties seront toutes gagnées par les blancs : Aronian-Kramnik, Vachier-Lagrave – Ding Liren et Adams-Svidler.

Adams_R2_Cheymol.jpgAdams le pion à tout le monde
Adams est le seul joueur à avoir fait le plein. Il a joué comme chez lui, case par case sur un système anti-Marshall. Il sera l’homme à abattre dans les prochaines rondes.
(photo É. Cheymol)

Kramnik : la Semi-Tarrasch, machine à perdre ?
Kramnik, avec les noirs, s’est entêté à jouer la Semi-Tarrasch : on échange toutes les pièces pour passer en finale. Aronian a expliqué « avoir dévié le premier [par rapport à leur partie au tournoi des Candidats] ». A regarder la finale de pièces lourdes avec un pion passé central, on aurait pu croire que Kramnik avait les blancs et qu’il allait visser et concrétiser. Que nenni ! Cette fois, le Russe parisien a fait quelques fautes et n’a rien pu faire ensuite, ce qui remet Aronian en selle.

Vachier_Ding_R2Cheymol.jpgMVL : enfermer des fous, c’est fou.
Vachier-Lagrave part fait décoller sa fusée : la variante d’avance de la Caro-Kann. Clairement, il est en terrain connu : il a réfléchi 32 min pour ses 16 premiers coups alors que Ding a réfléchi le double.

Le problème n’est pas là en fait : Maxime a sacrifié du pion pour enfermer les pièces noires. Du grand art… préparé à la maison. (photo É. Cheymol)

La partie se terminera par un réseau de mat sans que les noirs aient eu la moindre chance de contre jeu avec un fou noir enfermé en f8 pour la vie (pions e7, e6, g7), un fou g8 et une tour h7.
Ce bijou a été salué par tous les commentateurs, notamment la paire Pelletier-Mullon qui a fait du bon job avec ces parties très dures à commenter sans moteur d’analyse !
Maxime reviendra-t-il plus fréquemment à 1.e4?

Par certains côtés, cette partie me rappelle la partie dantesque Morozevitch–Vachier-Lagrave (Bienne 2009) où les noirs avaient aussi des pièces enfermées.

Visite gratuite du blog d’Éric Cheymol, photos de la 2e ronde.

Parties à revivre et commentées en anglais sur TWIC.

Suivre les gazouillis en direct chaque ronde sur twitter Echecs64

Les coulisses, les anecdotes, et comment s’y rendre, cliquer ligne suivante.

Quand Anand et Aronian perdent…
… leur adversaire ne gagne pas. Enfin presque. Les journaux indiens et arméniens présentent la défaite comme une surprise (The Hindu et Armenia Now ). On présente la défaite d’un national plutôt que la victoire de l’autre. Et en France ? Personne n’est chauvin, c’est connu. D’ailleurs, pour éviter toute plainte au CSA, nos champions, personne n’en parle.

Médias français : silence radio. Russie : des centaines de milliers de téléspectateurs
En France, c’est silence radio, télé et journaux sur le Mémorial Alekhine. L’événement a un retentissment médiatique équivalent à celui du championnat de France de bilboquet en salle.
En Russie, ce tournoi fermé à dix joueurs est grandiose, forcément grandiose.
Selon un cadreur, « la réalisatrice nous a prévenus : il faut qu’on soit sérieux, car on est vu par des dizaines de milliers de téléspectateurs, pas seulement ceux du Net, mais aussi par les télés qui reprennent nos images. »

Après un demi-championnat du monde à Lyon en 1990, des championnats du monde K-K médiatisés dans les journaux, une paire de Trophées Immopar, deux super champions précoces et médiatisés (Bacrot et Vachier-Lagrave), des chroniques dans les journaux disparues les unes après les autres, il faut se rendre à l’évidence : le développement du jeu ne passera pas par là. Il est plus facile de parler des jeunes pousses et des vertus cardinales supposées du jeu en classe que de montrer la crème des champions en pleine action.

12 km à pied, ça use, ça use…
Oui, Paris est une fête pour les Russes et pour tous les autres journalistes. Les occasions d’y venir pour une occasion liée à un tournoi d’échecs sont si rares… Du coup, un journaliste a abusé. Il a marché et marché, profité du soleil et des monuments… et parcouru 12 km à pied avant la 2e ronde. Ca use les souliers, ça éveille les neurones.

Мемориал Александра Алехина,kramnik,aronian,fressinet,guelfand,vitiougov,anand,adams,svidler,pastovsky,vassioukov,immopar,salazar,battesti,alekhineVassioukov : Un direct Lyon 1955 – Paris 2013
Cela ressemble au sketch de Chevallier et Laspalès sur le train pour Pau ! Le champion du monde senior Evguenyi Vassioukov vient de fêter ses 80 ans en grande pompe à Moscou.

Secondant dans l’équipe de Karpov au cht du monde 1978, commentateur, Vassioukov est un féroce GMI sur l’échiquier. Il conserve l’œil malin et l’air bonhomme.

Ah bah oui, on ne s’était pas vu depuis 1996. Et la dernière fois qu’il est venu en France ? Réponse malicieuse : « Le championnat du monde par équipes de Lyon, en 1955 et depuis, plus jamais. »
La Russie avait gagné cette compétition avec Taïmanov et Spassky (18 ans) au 2e échiquier.

Le tout est consigné sur cette page des échecs lyonnais… où l’on retrouve aussi les trois visites du grand Alekhine à Lyon avec quelques-unes de ses parties.

Papa à la tévé
Mademoiselle Kramnik, 4 ans, adore les sucreries du bar de la salle de presse. Étonnant ? A peine arrivée avec sa mère, elle aperçoit, sur l’écran de contrôle, un gros plan de son père en pleine réflexion. Vlad cherche désespérement à sauver sa finale de tours contre Aronian. Le cri du cœur est parti : « Oh, c’est papa à la télévision ! »

3-0 dans la bouche
C’est le score que m’a infligé en blitz Yves Marek, de la Léo-liste. La pendule intégrée comme application de son téléphone intelligent ne faisait pas de bruit, ce n’est pas une excuse. J’attends maintenant un défi d’un membre de la Diego-liste pour la fermer définitivement.

6 voix à l’arrache
Lors de la cérémonie d’ouverture, un joueur m’a dit que son club n’avait pas d’idée préconçue pour voter pour telle ou telle liste. Ses 6 voix ( !) ont finalement été obtenues à l’arraché par le camp Salazar. A quoi tient une élection avec une avance de 17 voix ? On se le demande encore dans les deux camps.


entre_concorde.JPGComment venir au Mémorial Alekhine
Métro Concorde (ligne 1, 8, 12), aller vers l’obélisque.
Entrer dans le jardin des Tuileries.
Prendre en biais tout de suite à droite côté Seine.
Vous verrez une grande tente blanche.
puis a l’entrée deux colonnes avec la tête d’Alekhine. C’est là, “Carré du Sanglier”.

Entrée gratuite
La salle contient 200 places environ. Commentaires en français, anglais et russe, casques gratuits.
Rondes à 14 h jusqu’à jeudi. Les 4 dernières rondes se jouent à Saint-Pétersbourg.