Moi, Sven Magnus Øen C., 23 ans, drogué des échecs…
Sven Magnus Øen Carlsen est devenu, à 22 ans et 358 jours, le nouveau champion du monde. Dans un entretien totalement face à face sur le plateau de la télévision norvégienne, sa colonne vertébrale en diagonale sur une chaise tournante, Magnus a répondu à un paquet de questions autour du jeu.
Quand un champion parle dans sa langue maternelle, et pas seulement celle des 64 cases, il se laisse plus facilement aller. Fischer, Kasparov, le champion compare son style à ces deux monstres sacrés.
L’entretien est sous-titré en anglais. Pour ceux qui ne maîtrisent pas le norvégien, un seul mot de français a surgi dans ces 26 minutes d’entretien : « trist ».
Voici le résumé impertinent de ce qu’a pu dire Carlsen et qu’il n’a pas vraiment révélé dans ses entretiens d’après-match.
- Je lis encore des BD de Donald Duck. Oui, d’accord dans les avions pour me détendre. Mais d’autres plus âgés le font aussi et me l’ont avoué. Je ne dirai pas leurs noms.
- Trois semaines avant le match, j’étais à Oman. On a travaillé les échecs à fond pendant deux semaines et la dernière semaine, j’ai fait du sport et je me suis détendu.
- Oui, je suis superstitieux sur les stylos. Beaucoup d’autres joueurs le sont. J’ai tellement mal joué les deux premières parties que j’ai jeté le stylo. On m’en a donné un neuf et ensuite, ça a été.
Une personne est venue me demander de signer le livre du match Botvinnik-Tal 1960. J’ai refusé car Tal a gagné ce match, mais n’a plus jamais été champion du monde ensuite.
- Pour jouer à l’aveugle en simultanée, il est important pour moi de voir le visage de mon adversaire. J’associe la table et la place à ce visage et à la partie. Des fois, j’oublie tout. Je suis alors obligé de me concentrer très fort. Et parfois de procéder par élimination pour retrouver le fil.
- Pourquoi chui fort ? Ché pas expliquer.
- Il y a encore beaucoup de choses que je ne comprends pas aux échecs. Et tant que j’aurai toutes ces choses devant moi et la motivation, je continuerai. Comme le dit Simen (Agdestein) en plaisantant à moitié, le problème n’est pas d’être le plus fort, mais le moins faible.
- Oui, la célébrité fait que plus de jeunes femmes viennent vers moi. Mais avec tous ces engagements, ces voyages, je suis célibataire actuellement.
Le jeu de Carlsen m’a fait un peu penser à celui de Korchnoï, dans les années 70, aride et puissant dans les milieux de jeu simplifiés.