Top 12 : victoire de Bisch-Winner !

Et d’un ! Après plusieurs essais infructueux, Bischwiller, terre d’échecs depuis des dizaines d’années, mais avec 5 fois moins d’habitants que le tenant Clichy, remporte pour la première fois le titre suprême de champion de France par équipes sur huit échiquiers, le Top 12.
Tout s’est passé dans la bonne humeur à Grau-du-Roi sous le soleil exactement avec  beaucoup de matches serrés.

Après avoir été champion de France chez les féminines, les jeunes et les cadets, Bischwiller était venu avec une ambition : gagner. Pour son président Roland Reeb, dans les échecs depuis 1971 et infatigable propagandiste, c’est l’aboutissement d’un long chemin.

6e en 2012, 3e en 2013, 2e en 2014, il fallait bien que cela passe un jour. Mais comment contrer la suprématie de Clichy, une équipe qui réunit Vachier-Lagrave, M. et Mme Fressinet et globalement un effectif qui  « tourne » bien avec très peu de pertes individuelles ?

Réponse : top recruter avec l’argent du généreux sponsor allemand, l’homme d’affaires Wolfgang Grenke qui s’est déjà fait un nom dans l’organisation de tournois de haut niveau en Allemagne.

Bacrot, déjà sociétaire de Bischwiller suite au naufrage de Marseille, a  dû se réjouir de voir venir son camarade et coéquipier allemand Naiditsch, 22e mondial. Premier transfert de pote.
Deuxième transfert de choix, le 10e mondial Anish Giri. Ce Russos-népalais jouant pour les Pays-Bas est une jeune machine à idées.
Il a la plume alerte dans la revue New In Chess. Et le joyeux drille est capable d’imiter les atermoiements de son coéquipier végétarien Schlosser devant les plats français. Pire : il peut faire rire son président !

L’intégration des deux top transferts s’est faite sans problème et Bischwiller s’est mis en mode “Bisch-Winner”, la trouvaille labellisée Étienne Mensch.

La différence entre Clichy et Bischwiller a tenu à peu. Tout sur un match. Clichy un peu en deçà au niveau forme. Bischwiller qui ne lâche rien et qui part avec un mental de vainqueur. L’équipe n’a ensuite rien laissé comme Clichy à ses plus belles heures malgré un échiquier féminin nettement moins fort que Clichy.

Après avoir battu Clichy 2-1 (voir ci-dessous) Bischwiller s’est fait une frayeur contre Mulhouse. Mathilde Choisy (Mulhouse) était la dernière à jouer alors que son équipe était menée 2-1.
En au moins deux occasions quand il restait moins de 2 minutes aux joueuses, elle a raté le gain au moins deux fois de manière triviale contre Nino Maisuradzé. Ce n’était pas son jour… De dépit, elle mit en commentaire sur sa page Facebook après la partie : « La corde ».

choisy_maisu_97e.JPG
Dans cette position, il est difficile de se forcer à jouer 97.Te6+ qui mène à une finale gagnante F+C sans pion après 97…Dxe6 98.Fxe6 Rxg6.

Mais en équipe, c’est le seul coup ! Les blancs vont ramer des heures pour gagner. Il faut juste connaître la méthode. C’est facile et ça eut pu rapporter gros.
Mathilde Choisy a voulu prolonger le suspense par 97.Te4 et c’est nul dans un fauteuil après 97…a3 : le fou devra se sacrifier contre le pion.

 

Deuxième occasion en or où, après avoir bataillé dans son style sans compromission et inimitable, Nino Maisuradzé commet la dernière erreur comme aurait pu dire ce cher Tartacover.

2015_choisy_mais_105e.JPGMaisuradzé vient de jouer 104…a2 pensant que 105.Fxa2 est forcé. Il le fut dans la tête de Choisy alors que sous l’œil médusé de milliers d’internautes, l’ordinateur annonça un mat pour les blancs !

105.Ce6+ Rg6 (105… Rg8 106. Tf8+ Rh7 107. Fd3+ Rh6 108. Tf6+ Rh5 109. Fe2 mat !) 106. Fd3+ Rh6 107. Th4 mat.

La partie se termina par 105. Fxa2 Dxa2 106. Cf3 Db3 Nulle

Ben oui, toujours plus facile dans son fauteuil avec ordi. D’un autre côté, le roi est cerné…
A leur décharge, les deux joueuses avaient avec une pression énorme : le score du match et le fait de jouer avec moins d’une minute par coup… De leur côté, les grands-maîtres qui assistaient au spectacle ont failli avoir des attaques cardiaques !

 Alors, l’équipe Bisch-Winner a-t-elle ronronné comme un vieux chat ? « Pas si simple assure Roland Reeb. Jean Netzer, notre maître international formé au club et vice-chamipon junior est le capitaine. Il connaît les joueurs. Mais comme dans bon nombre d’équipes où tout le monde se connaît bien, les compositions vont de soi pour les couleurs ou pour sortir un joueur fatigué. »

A 800 km de Grau-du-Roi et vingt secondes via l’Internet (retransmissions des coups et parfois bavardes fédérales), Netzer père, maire de Bischwiller, a dû bicher de voir sa ville ajoutée à une longue listée souvent trustée par Clichy et Strasbourg.

Avant de revenir au pays, l’équipe a dûment fait péter les bouchons de champagne d’un sponsor local dont c’était la spécialité… Les plus sages sont rentrés tôt, d’autres se sont à peine couchés. Il n’était pas question de s’y prendre une ronde avant la fin. Bischwiller aurait pu se permettre le luxe de perdre son dernier match contre Montpellier. Premier seul avec 11 victoires sur 11, c’est mieux que premier ex æquo au « départage particulier » en jargon fédéral.

 

2015_top12_bisch.JPG

Habillés couleur rouge sponsor pour mieux cacher les T-shirts et jeans, de gauche à droite: Naiditsch, Schlosser (masqué) Giri, Ragger, Bacrot, Le Roux, Marcelin, Reeb, Jean Netzer (capitaine), Maisuradzé, Édouard (cousin éloigné de Buster Keaton). 

Site officiel du top 12 2015 avec parties, photos, vidéos, statistiques. A revivre sans modération.

Descentes, montées
Les trois équipes qui descendent en Nationale I sont Grasse, Metz et Poitiers-Migné. Les trois équipes montantes sont Drancy, Nice Alekhine et et les Picards de Saint-Quentin.

DES VICTOIRES ÂPRES

Ronde 4 : Bischwiller–Châlons-en-Champagne 3-2


Ronde 6 : Bischwiller-Clichy 2-1

Ech1 Giri-Fressinet 1-0
Ech4 : Jakovenko-Bacrot 0-1
Ech8: Skripchenko-Maisuradzé 1-0

Clichy a fait des choix bizarres dans la composition sur les 4 premiers échiquiers : Fressinet au 1 noir alors qu’il a tendance à raser plus bas et surtout Vachier-Lagrave au 3 noir. Le GMI autrichien Markus Ragger s’est mis en pilote automatique contre lui et lui a dégoté l’une des nombreuses variantes de nulle (certes complexe) de la Grünfeld fétiche du Français. Bon, Clichy se repassera le match au magnétoscope…

Ronde 8 : Bischwiller-Mulhouse 2-1 (voir 8e échiquier, partie tragi-comique plus haut).