Les vieux pots du championnat du monde
« C’est dans les vieux pots qu’on fait la bonne soupe. »
Il est frappant de voir que si Kramnik déclare à tu et à toi que l’aide des moteurs de recherche et de l’ordinateur en général a changé la façon de jouer, de vieilles ouvertures sont utilisées au championnat du monde de Mexico : la Petroff, la Marshall, l’Espagnole et la Catalane, le ramasse-points du père Kramnik. Cette ouverture, a été, rappelons-le, inventée par l’ineffable Tartacover qui s’en explique d’ailleurs dans son succulent Tartacover vous parle, publié juste après sa mort.
Je me souviens encore d’une remarque que m’avait fait Guelfand : « Pourquoi je n’ai pas joué la Petroff plus tôt, les blancs n’ont rien et les noirs peinent juste un peu pour égaliser. » C’était, il est vrai, avant que le plan avec le grand roque joué dans ce tournoi, ne revienne à la mode. On pourrait faire la même remarque sur la Marshall: dans un style plus dynamique, il faut être affûté sur le plan théorique.
Après trois rondes, deux choses m’ont marqué : le jeu créatif de Morozevitch dans des positions théoriques au sortir de l’ouverture. Impossible de deviner ses coups, notamment dans sa victoire sur Svidler avec son Db1 ; et dans le duel Kramnik-Anand, j’aurais bien aimé savoir à partir de quand, dans la finale de tour, l’un ou l’autre a vu le pat final. Ils ont joué à toute blinde. C’est sûrement un indice : ils ont le niveau de champion du monde ! lol!
Tiens , pour revenir à cette fin de partie Anand-Kramnik, de la troisième ronde, les Blancs, au lieu de 54. Rh2, auraient également pu y abandonner le pion f5.
Par exemple via 54. Ta8 Rxf5, après quoi nous obtenons la finale de la huitième ronde entre Aronian et Morozevich, mais avec les couleurs inversées !
Le pat final est bien connu, chez nous les Belges, depuis le grand Tournoi d’Ostende, disputé en 1905, et où Tchigorine avait raté une telle occasion de se sauver face à Tarrasch.
Voici la position, après le 49e coup noir (49… Rd4-d5)
Blancs : Rf4, f5, g5, h4
Noirs : Rd5, f6, g7, h7
Le Russe a joué 50. gxf6 ??, mais il fallait choisir 50. Rg4 Re4 51. g6 !! h6 (ou 51…hxg6 52. fxg6 f5+ 53. Rg5 f4 54. h5 etc.) 52. Rh5 !! Rxf5 Pat.
Dans la vidéo qui se trouve sur le site Europe-Echecs, Loek van Wely, le secondant de Kramnik, donne déjà cette possibilité du pat après g3.
A l’interview Kramnik a dit:”On a continué pour le public, bien sûr nous avions prévu ce pat vingt coups avant!”