Décès de Pergericht et Yeshan
Décès de Pergericht et Yeshan
Daniel Pergericht (1956-2009)
Le joueur belge et chroniqueur du Soir Daniel Pergericht est décédé brutalement le 3 juin des suites d’un accident cérébral. Il venait d’avoir 53 ans. Il ne jouait qu’épisodiquement depuis une dizaine d’années. Un collègue de travail méga-surfeur des sites d’échecs me l’a appris le 17 au matin.
« Pépé » a été l’un des premiers joueurs étrangers du club de Clichy dans les années 1990 avec le tout jeune Michael Adams. J’entends encore ce rire après une arnaque, cette joie de vivre, cette frénésie du blitz. Daniel nous décontenançait par bien des aspects : il jouait notamment la défense Petroff, une ouverture absolument pas à la mode dans ces années-là, mais avec laquelle il cartonnait. Son franc-parler belge était décapant. Il était curieux de tout.
Comme de nombreux joueurs belges ambitieux tels Jadoul ou Winants, il parcourait l’Europe pour progresser et devenir maître tout en alimentant avec dévotion sa chronique dans Le Soir. C’est ainsi que nous nous retrouvâmes dans un gymnase improbable de la banlieue de Prague à jouer un tournoi fermé avec Charles Lamoureux. Le club de Prague rendait la politesse à Clichy, emmené par son dynamique joueur-animateur-capitaine Jicé Moingt. Il y eut aussi le tournoi du CREB en décembre 1989, l’année où Ceaucescu, sa femme et son régime s’effondrèrent. Nous suivions avec Jicé Moingt ce feuilleton de l’histoire en direct à la télévision après chaque ronde. Bachar Kouatly vivait à Bruxelles et préparait la partie lyonnaise du championnat du monde (New York-Lyon) ; tous deux nous avaient reçu et fait visiter le bar des joueurs d’échecs avec ses bancs en bois et son large choix de bières. Il y eut bien d’autres tournois en commun encore. Daniel était revenu à Paris en 1996 environ avec son amie et je les avais hébergés. Les échecs étaient sortis de sa vie.
L’hommage de son compatriote et confrère Luc Winants
Boris Yeshan
Le promoteur du site ruschess.com, le Russe de Saint-Pétersbourg Boris Yeshan est décédé le 11 janvier 2009. Il avait 59 ans. Je l’ai appris en mars 2009, quelques minutes avant de partir à un rendez-vous.
Boris adorait innover aux échecs. Il avait inventé et mis au point un système de retransmissions des parties en direct. Il adorait sa ville et son histoire. Il connaissait tous les champions, anciens comme jeunes (Svidler, Khalifman, Sakaïev).
Ingénieur de formation, son système était très efficace (même en superblitz, aucun coup n’était perdu) malgré un design peu chic. Et un désavantage non négligeable : son éloignement le rendait moins compétitif pour les tournois européens. Comparativement au système DGT, Boris faisait figure d’artisan et de professeur Tournesol à la fois. Ses idées de développer son système dans les écoles ou entre villes reçurent de l’écho ; il y eut ainsi un match de parties rapide entre Paris et Saint-Pétersbourg sacralisé par le duel Kortchnoï-Fressinet où le jeune Français eut à subir une défaite devant un Kortchnoï toujours aussi ravi d’infliger des bulles aux jeunes. La photo des deux champions figure encore d’ailleurs sur le site.
Je fus un temps comme l’impresario de Boris pour des tournois en France et en Espagne ; je lui avais écrit en anglais une bonne partie de la présentation de son site. À Linares, Boris envoya son employé qui trouva le moyen de vendre le système aux développeurs locaux. Mais Boris le malin n’avait pas mis l’intégralité du programme dans ses machines de sorte que le système subit quelques bugs…
Je me souviens particulièrement du tournoi de Novgorod 1996 avec Kasparov, Kramnik, Topalov, Short. Des matches de foot avec les champions. De Short qui se fit mordre par un chien car il voulut se baigner dans la rivière Volkhov! Des saunas dont Boris et les Russes raffolaient ; des discussions sans fin sur l’avenir de son système. Il y eut aussi une soirée mémorable à déguster des pizzas avec Aronian sous un abribus à Lausanne, matraqué par une pluie battante et racontée ici.
Avant de partir en voyage, Boris ne manquait jamais de s’acquitter de la tradition russe : il s’asseyait quelques minutes sur une chaise pour y laisser les mauvaises vibrations, sans un mot.
Une « longue et pénible » maladie l’a emporté.
Entretien de 2006 avec Boris et une grande partie des idées qu’il comptait développer.
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