Karpov et Kasparov à Valence
Les deux champions de légende débutent aujourd’hui un match amical en 12 parties à Valence (Espagne) censé fêter le 25e anniversaire de leur premier championnat du monde qui débuta le 10 septembre 1984 et fut interrompu en février 1985 après 48 parties.
Les parties « longues » se jouent à la cadence 25 min + 5 secondes par coup et les parties blitz à la cadence 5 min + 2 secondes par coup.
La répartition n’est pas donnée sur le site officiel, lequel n’est pas très au point, ce qui promet…
La Reine Sofía d’Espagne donne le coup d’envoi le 22 septembre à 19 h. Hier lundi, les Russes ont fait une conférence de presse. C’est formidable, maintenant ils s’aiment !
Voir le contenu de la dépêche AFP reprise dans le monde entier.
Parties en direct retransmises sur le site officiel. Commenter cette note et lire la suite: cliquer ligne suivante…
Karpov a pris comme secondant le GMI Bologane et Kasparov revient de séances d’entraînement avec le jeune GMI Norvégien Magnus Carlsen. Oui, Garri Kasparov, l’ancien champion du monde qui a écrasé la concurrence, est devenu entraîneur particulier du n° 4 mondial actuel.
Dans ce match amical, les propos de boxeur n’étaient pas de mise, mais il est toutefois hors de question de se croiser au petit déjeuner. Les deux hommes ne sont donc pas dans le même hôtel. Il faut dire que c’est karpo-kasparo-humain: l’un et l’autre, ont joué environ 150 parties ensemble et se connaissent peut-être mieux que mari et femme!
L’Espagne, toujours présente
Depuis les années 1980, l’Espagne a organisé des tournois top niveau et le match de Séville entre les deux K en 1987. L’incontournable étape du tournoi de Linares (Jaén) a catalysé la popularité de ce jeu et la fascination pour les champions. Karpov, Kasparov, Kramnik, Anand et tant d’autres ont participé ou participent à ces tournois. Le Bulgare Topalov et l’Indien Anand ont d’ailleurs émigré en Espagne. Le match est aussi l’occasion de célébrer la supposée introduction de la reine sur le jeu dans un livre de 1495, Llibre del Jochs Partitis dels Sachachs en nombre de 100.
L’argent, ce grand absent
Le cachet des joueurs n’a pas été révélé. Personne ne semble avoir posé la question sacrilège. Mais un fait reste incontestable: crise ou pas, l’argent a été trouvé pour que ces deux super K se mettent à une table et fassent rêver des millions d’amateurs pendant quatre jours.
Merci l’Internet !
Le journaliste spécialisé espagnol Leontxo Garcia affirme dans sa chronique sur elpais.com que 10 millions d’internautes sont attendus. Ils étaient sûrement beaucoup plus nombreux à suivre les matches il y a 25 ans, mais la vitesse n’était pas la même. En 1984, alors jeune journaliste à Libération, je voyais arriver les coups par rafale de 5 via les dépêches AFP en provenance de Moscou. J’attendais fébrilement le crépitement des téléscripteurs, les coups étaient correctement alignés sur ces rouleaux de papier qui débitaient l’info du monde entier en continu. Les parties étaient ensuite retransmises sur Minitel. Le ‘minitéliste’ devait payer 1 franc la minute (0,15 centime d’euro) pour suivre ces joutes. Il y a 25 ans, môssieur, Libération – comme d’autres quotidiens parisiens – venait d’acquérir son premier fax. Firmin, passez-moi mes sels!
Mais rions un peu: nous verrons si le site officiel suivra la cadence des parties rapides sans perdre de coups; je panique à l’avance…
Le résultat du match
À part Kasparov lui-même et les fans de l’un ou l’autre, l’enjeu de ce duel renouvelé et presque cocasse est ailleurs. Finalement, les deux K ont retrouvé leur statut de ‘Kash-machine’ à fabriquer du barouf médiatique. Ils prouvent qu’en semi-retraite, on peut travailler plus pour gagner beaucoup plus et faire gagner aussi à tous ses sponsors et à son pote manager. Cela dit, seul l’Espagne peut offrir une telle couverture. C’est le pays naturel de ce genre de rencontre. L’Espagne est un pays d’aficionados qui aime le mano a mano et les stars qui brillent. De plus, le peuple sait jouer, camarades. En France, on est individualiste, on aime les deuxièmes et les vedettes sont suspectes. Firmin, passez-moi mes sels!
K-K : Des matches gravés dans l’histoire
Premier match dans un monde communiste. Dernier match en 1990 à New York-Lyon un an après la chute du Mur de Berlin et un an avant l’effondrement total de l’URSS. Du cliché de communiste bon teint et proche du régime pour Karpov à celui de challenger « juif, arménien, impétueux » pour Kasparov (tous deux appartenaient au PCUS), ils ont catalysé à leur manière et avec leur caractère les fissures que vivait l’Empire soviétique. En quelques années, ils sont devenus millionnaires en dollars pour un spectacle renouvelé trois fois après le match interrompu en février 1985 par le président de la FIDE Florencio Campomanès, après six mois de lutte et 48 parties. Par trois fois, l’issue a été favorable à Kasparov.
J’ai bien peur que le “match” reste à sens unique. A Zürich, j’ai assisté aux parties d’un Karpov franchement hors course, se faisant notamment miniaturiser par Kramnik en se faisant planter un piège de débutant dans la catalane (16 coups).
Le style de Karpov s’est dégradé ces dernières années, face à la génération montante, si l’on considère son incapacité à instaurer le type de jeu qui lui convient. Ses coups prophylactiques ne révèlent trop souvent affaiblissants.
De l’autre côté de l’échiquier Kasparov reste affûté comme jamais, quoi qu’il en dise. Bref, je doute que Karpov soit en mesure de gagner la moindre partie.