Les 36 chandelles du blitz
Herceg Novi, 8 avril 1970, Rishon le Zion, 7 septembre 2006 : deux ‘championnats du monde’ de blitz. Le premier, non officiel à l’époque, se jouait avec des pendules classiques et deux scribes de chaque côté de l’échiquier pour noter les parties. Le second, estampillé FIDE, était retransmis en direct sur l’Internet non seulement en coups, mais en images. En suivant quelques parties de Rishon le Zion, je me suis souvenu que j’avais quelque part un article de Walter Browne dans sa revue (disparue) Blitz Chess. Le ‘quelque part’ a été retrouvé. Je cite Browne par morceaux : « Je jouais un tournoi en Yougoslavie, à Sarajevo pendant que l’URSS jouait contre le Reste du monde à Belgrade. Je me souviens des glorieuses victoires de Bobby sur Petrossian à la télévision… et commentées ! (…) J’aurais aimé participer à ce match mais à la place je jouais une série de blitz avec un candidat maître inconnu, Ljubomir Ljubojevic, qui termina premier de mon tournoi et devint GMI peu après. (…) Les Soviets gagnèrent par la plus faible marge 20,5 à 19,5 après que Portisch eut accordé la nulle à Kortchnoï dans une meilleure position (…) Mais le spectacle réel était à Herceg Novi. Tous les participants avaient quitté Belgrade pour l’agréable ville de l’Adriatique dont le premier prix modeste était de 400 $ alors que Tal, à St John, en 1988 gagna 50 000 $ au championnat du monde de blitz ! Pour certains, la participation de Bobby fut une surprise. Ses compétiteurs furent même heureux. Au moins au début. Tal, Petrossian, Kortchnoï et Bronstein étaient la crème du blitz ‘soviétique’. » On connaît le résultat : 19 points sur 22, une performance à 3000 Elo contre les meilleurs joueurs du moment, et comme l’écrit Browne, « le pire en réfléchissant en moyenne moitié moins que ses adversaires ! ». Pour Rishon le Zion, tout un système de qualification et probablement une bourse des prix moins attractive n’a pas attiré les meilleurs. Les scribes avaient disparu et les pendules électroniques ajoutaient du temps. Cela n’a pas empêché les gaffes, tout aussi fréquentes qu’à Herceg Novi. Mais on pouvait voir les joueurs, enfin deux échiquiers à la fois et en avance par rapport aux coups. Je me demande encore comment ont fait les spectateurs sur place pour suivre autant de parties sans avoir mal au crâne ; de plus, suivre l’évolution de ce tournoi fermé n’avait rien d’évident. Gritchtchouk, le vainqueur au départage face à Svidler, a commencé son tournoi à la ramasse alors que Judit Polgar massacrait et fêtait son grand retour à la compét’ – elle venait d’accoucher il y a deux mois à peine. Tous avaient un point commun par rapport aux blitz dans des clubs enfumés des années 1960-1970 : ils s’étaient entraîné sur le Net. Mais jouaient, comme leurs prédécesseurs au plus haut niveau, sans chercher d’arnaque ni de système d’ouverture à part. Du beau jeu à revoir !
Voir aussi le compte-rendu d’Aviv Fridman (en anglais)
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